L’alcool et la santé : devrais-je changer mes habitudes?

A group of diverse friends sitting around a table drinking.

La plupart d’entre nous sont prêts à accepter un certain niveau de risque dans notre vie quotidienne. Nous mangeons des frites et nous nous déplaçons en voiture en dépit des risques de santé ou de sécurité que ces comportements présentent. Nous acceptons les risques de ces comportements parce qu’ils nous procurent de la joie, nous facilitent la vie et font partie intégrante du quotidien. La consommation d’alcool et de substances présente, comme presque tout ce qu’il existe, un certain niveau de risque.

Le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) vient de publier de nouvelles directives sur la consommation d’alcool. Ces directives indiquent entre autres la quantité d’alcool qui augmente le risque de conséquences sociales et sur la santé.

Les nouvelles directives présentent le niveau de risque en fonction du nombre d’unités consommées :

  • Un faible risque se catégorise par 2 unités ou moins par semaine
  • Un risque modéré se catégorise par 3 à 6 unités par semaine
  • Un risque élevé se catégorise par 7 unités ou plus par semaine

Une unité correspond à 5 onces de vin, une bouteille de bière (5 %), ou 1,5 once de spiritueux. Les directives s’appliquent à tout le monde, indépendamment du sexe. Il est recommandé de ne pas boire d’alcool si vous êtes enceinte ou que vous allaitez. Les directives canadiennes, maintenant mises à jour pour la première fois depuis 2012, reposent sur les plus récentes données scientifiques. En tant que psychologue, directrice clinique d’un programme de gestion de la consommation de substances, et amatrice de vin, je sais que ces nouvelles directives peuvent être difficiles à avaler.

QUELLES SONT CES NOUVELLES DIRECTIVES?

D’un point de vue médical, toute consommation d’alcool présente un risque. L’alcool est un agent carcinogène de groupe 1 (soit aussi mortel que le tabac et l’amiante) lié à sept types de cancers, dont celui du sein et celui du colon. Les risques sont particulièrement élevés chez les femmes, car elles présentent des caractéristiques physiologiques qui rendent l’alcool plus toxique. L’alcool est lié aux maladies cardiaques, dont la coronaropathie, les crises cardiaques, l’insuffisance cardiaque, l’hypertension, la fibrillation atriale et les AVC. Les directives portent sur ses graves conséquences sur la santé sans toutefois en explorer les conséquences sur la peau, le microbiome intestinal, la qualité du sommeil, l’indice de masse corporelle, la capacité des cellules à se réparer, la réponse au stress ou la santé mentale.

En réalité, la plupart des professionnels de la santé, comme les oncologues ou les cardiologues, vous diront que ce n’est rien de nouveau. On accepte que les gens tolèrent un certain degré de risque pour profiter de la vie. Le problème, c’est qu’une étude antérieure indiquait que l’alcool en modération était bon pour nous. Il se trouve que cette étude était imparfaite. Elle comprenait d’anciens consommateurs (c’est-à-dire des gens qui avaient des troubles de consommation et qui ont ensuite arrêté de boire) dans la catégorie des « non-consommateurs », pour plusieurs de ces personnes, les effets néfastes sur la santé se seraient déjà manifestés. Cette erreur a donné la fausse impression qu’une faible consommation d’alcool était moins dommageable que de ne pas boire du tout. Un autre mythe courant est que le resvératrol (un antioxydant présent dans le vin rouge) est bon pour la santé, sans indiquer qu’il faudrait consommer une quantité toxique d’alcool pour en tirer un quelconque bienfait. Il est de loin préférable que vos antioxydants proviennent de votre alimentation. Mais qu’en est-il du régime méditerranéen qui inclut le vin dans ses facteurs de protection? En Amérique du Nord, nous avons tendance à ne prendre que les éléments du mode de vie méditerranéen qui conviennent à nos besoins. L’aspect bénéfique de ce mode de vie est sans doute la modération, c’est-à-dire de petites quantités d’alcool aux repas plutôt qu’une beuverie le vendredi soir.

QUELLES STRATÉGIES PUIS-JE EMPLOYER POUR RÉDUIRE LES MÉFAITS DE L’ALCOOL?

Vous connaissez probablement le concept de réduction des méfaits lorsqu’il s’agit de l’alimentation, même si vous ne l’appelez pas par ce terme. Lorsque vous choisissez des friandises moins sucrées ou moins grasses, vous appliquez une stratégie de réduction des méfaits. Lorsque vous décidez de renoncer à une deuxième portion au souper, c’est le même principe. La réduction des méfaits est toute stratégie visant à réduire les conséquences négatives d’un comportement.

Voici des stratégies pour réduire les méfaits de l’alcool :

  • Restez conscient de votre consommation. Lorsqu’on vous offre un verre au restaurant ou lors d’un rassemblement, demandez-vous si vous voulez vraiment boire ou si une boisson sans alcool vous conviendrait.
  • Savourez. Prenez le temps de savourer chaque gorgée de votre boisson alcoolisée. Fait intéressant, des recherches démontrent que nous consommons moins d’alcool ou de nourriture lorsque nous sommes plus conscients de notre expérience sensorielle.
  • Prenez note de votre consommation. Le fait d’assurer un suivi des comportements nous aide à les reconnaître (que ce soit compter les calories, les pas ou les verres). Les gens ont tendance à sous-estimer leur consommation.
  • Contrôlez votre rythme. Beaucoup de personnes réussissent à réduire leur consommation en se fixant des limites. Par exemple, fixez une heure de début et de fin pour consommer, limitez-vous à un verre par heure ou buvez de l’eau entre chaque verre.
  • Suivez les directives. Si vous visez six verres par semaine, vous devrez faire des choix quant au moment choisi pour consommer. Les directives peuvent être un bon point de départ pour vous sensibiliser au moment et à la fréquence à laquelle vous avez envie de boire.
  • Restez conscient de la raison derrière votre consommation. En général, les gens consomment de l’alcool pour atténuer la douleur émotionnelle (stress, ennui, solitude, etc.) ou pour accroître le plaisir. Tentez de ne consommer que pour accroître le plaisir et d’éviter de consommer pour atténuer la douleur.
  • Essayez un cocktail sans alcool. Plusieurs entreprises novatrices de cocktails sans alcool et de bières artisanales ont développé des produits qui imitent le goût d’alcool. L’effet placebo pourrait même vous donner une sensation d’ivresse. Des études de recherches documentent cet effet, où des gens croient qu’ils consomment de l’alcool alors que c’est faux.
  • Optez pour des boissons à faible teneur en alcool. Pour réduire le nombre d’« unités » sans renoncer à l’alcool, optez pour une bière à plus faible teneur en alcool, diluez votre vin avec de l’eau ou du jus, ou préparez des cocktails sans alcool avec une faible quantité de spiritueux.
  • Ne buvez que la fin de semaine. Certaines personnes connaissent davantage de succès en adoptant une approche tout ou rien la semaine. Cependant, ne buvez pas toutes vos unités le vendredi. L’hyperalcoolisation rapide (4 verres ou plus pour les femmes, 5 ou plus pour les hommes) présente un facteur de risque bien établi sur le plan social et de la santé.
  • Surmontez les envies irrépressibles. L’une des meilleures façons de réduire sa consommation d’alcool est de trouver des solutions pour surmonter les envies irrépressibles. Cette stratégie est largement utilisée par les personnes qui tentent de cesser de fumer. Les envies irrépressibles ne durent habituellement qu’un certain temps et passent plus rapidement avec de la pratique.

ALORS, DEVRAIS-JE CHANGER MES HABITUDES?

Au bout du compte, cette décision vous revient. Mes amis ont émis l’hypothèse que cette nouvelle étude n’est qu’une nouvelle mode, comme manger des avocats ou porter des jeans ajustés. Or, soyez assuré que ces recherches sont fiables. Elles s’appuient sur des données mondiales issues de rapports antérieurs, sur de la modélisation mathématique et sur un examen complet de la littérature actuelle. Pour moi, cela signifie que je dois être plus consciente que ma consommation d’alcool risque de nuire à ma santé, que je dois faire un choix éclairé quant à l’adoption d’un comportement que j’aime, et que j’adopterai une approche de réduction des méfaits par rapport aux risques. Je garderai donc davantage ces renseignements à l’esprit lorsque je choisirai de boire et je modifierai mon comportement pour rester en deçà des limites recommandées la plupart des semaines. Malheureusement, je ne peux plus ignorer le fait que le vin est dommageable ou croire qu’il est bon pour ma santé. Ce qu’il faut retenir de ces nouvelles directives, c’est l’information qui nous permet de faire des choix éclairés. Comme toute autre chose dans la vie, je dois percer la délicate énigme de choisir entre le risque et les avantages, sauf que maintenant, je détiens plus d’information pour prendre une décision éclairée.


Terri-Lynn MacKay, Ph. D., psychologue agréée, est directrice clinique d’ALAViDA, une société de LifeSpeak, solution virtuelle de santé pour les troubles de consommation de substances. Psychologue clinique, elle se spécialise en orientation stratégique, en leadership clinique et en transformation des systèmes dans les domaines de la santé mentale et des dépendances. La Dre MacKay est aussi directrice provinciale de l’innovation et des partenariats de l’Association canadienne pour la santé mentale (Manitoba) et offre ses services d’experte-conseil au Decision Lab. De plus, elle a déjà occupé le poste de directrice de l’exploitation du volet de la santé mentale dans la lutte canadienne contre la pandémie, de directrice associée des services de consultation de l’Université de la Colombie-Britannique, et de professeure agrégée de l’Université du Nevada, à Las Vegas. 

Elle a d’ailleurs offert ses services d’expert-conseil dans les secteurs public et privé pendant plus d’une décennie en misant sur les approches de justice sociale dans les changements transformationnels du système. La Dre MacKay est titulaire d’un doctorat en psychologie clinique et d’une maîtrise en neurosciences du comportement. Ses recherches ont été publiées dans des revues comme Canadian Psychology, Neuropsychologia, Computers in Human Behavior et International Gambling Studies.